Marie-Charlotte Belmonte MRM

Marie-Charlotte Belmonte

Directrice générale MRM Paris groupe McCann

Publié le

25/10/2024

Temps de lecture

5 minutes

Monétisation de l’IA : comment les départements achats redessinent le modèle des agences

L’intelligence artificielle (IA) a fait irruption dans le monde des entreprises à une vitesse fulgurante, devenant rapidement un levier stratégique pour de nombreux départements achats. Ces derniers, historiquement centrés sur la réduction des coûts et l’optimisation des process, voient dans l’IA une opportunité de rationaliser encore plus les investissements, tout en générant un retour sur investissement visible et quantifiable. Cependant, cette fascination pour l’IA pose des questions profondes quant à l’avenir des agences et à leur capacité à justifier leur valeur ajoutée dans un contexte où la technologie semble avoir réponse à tout.

L’IA : une transformation inévitable pour les départements achats 

Les achats sont souvent le cœur névralgique des grandes transformations au sein des entreprises. Et pour eux, l’IA n’est pas seulement une mode passagère, c’est un moyen d’acquérir plus de contrôle sur des budgets parfois exponentiels. L’IA permet d’automatiser des tâches historiquement complexes – de la gestion des données à la création de contenus marketing – tout en réduisant le recours à des ressources humaines. Les outils d’IA générative, comme les plateformes d’écriture assistée ou les logiciels de traitement d’image automatisés, sont désormais perçus comme une solution à double effet : des gains de productivité massifs couplés à une réduction drastique des coûts.

Les agences, confrontées à ces évolutions, se retrouvent de plus en plus en compétition avec des algorithmes et des outils que les départements achats jugent désormais suffisants pour répondre aux besoins marketing de base. Cela remet en question non seulement leur modèle économique, mais aussi leur positionnement stratégique. Comment alors, les agences peuvent-elles défendre leur périmètre tout en adoptant l’IA comme levier de productivité ?

L’IA, levier de productivité… mais à quel prix ?

La tentation de standardiser et d’automatiser par l’IA est forte, d’autant plus que ces solutions permettent des économies immédiates, en optimisant le temps et en éliminant certaines fonctions traditionnelles. Cependant, cette approche purement financière risque d’occulter une vérité essentielle : l’efficacité ne suffit pas à créer de la valeur différenciée. Or, c’est précisément sur ce terrain que les agences peuvent se démarquer.

L’utilisation de l’IA n’est pas qu’une question de rentabilité, mais aussi de créativité et d’interprétation. Une campagne publicitaire bien pensée ne se résume pas à un agencement de mots-clés ou à une image choisie par un algorithme. Elle est le fruit d’une réflexion stratégique, d’une compréhension fine du marché, et d’une capacité à raconter une histoire qui touche émotionnellement le consommateur. Autant d’éléments que l’IA ne peut reproduire à l’identique.

Cela ne signifie pas que les agences doivent rejeter l’IA ; au contraire, elles doivent apprendre à l’adopter de manière intelligente et créative, en l’intégrant dans leur chaîne de valeur pour renforcer leur pertinence. La clé réside dans la capacité à utiliser ces outils pour libérer du temps et des ressources humaines sur les aspects les plus stratégiques, où l’intuition et l’intelligence émotionnelle restent irremplaçables.

Repositionner les agences dans l’ère de l’IA

Les agences qui réussiront à prospérer dans ce nouveau contexte seront celles qui sauront repositionner leur rôle : non pas comme de simples prestataires de services, mais comme des partenaires stratégiques, à la fois experts en technologie et garants de l’intégrité créative. L’IA peut automatiser les tâches répétitives, mais elle ne pourra jamais remplacer la profondeur de l’analyse humaine, la finesse du conseil ou la capacité à anticiper les attentes non formulées d’un client.

Le véritable défi, pour les agences, est de prouver que l’IA ne peut pas tout faire. Si un outil d’IA peut, par exemple, rédiger des descriptions de produits en quelques secondes, il ne sait pas, en revanche, pourquoi certains mots ont plus d’impact que d’autres sur un public donné, ou comment adapter le ton pour répondre aux nuances culturelles et contextuelles de différents marchés.

Pour contrer cette course à l’automatisation, les agences doivent donc recentrer leur discours autour de leur valeur ajoutée humaine, tout en investissant dans des compétences hybrides – à la croisée de la technologie, de l’analyse et de la création. L’idée n’est pas de devenir des spécialistes de l’IA, mais de savoir comment l’utiliser pour créer des campagnes qui soient plus que la somme de leurs parties automatisées.

Conclusion : IA et agences, un équilibre à réinventer

La monétisation de l’IA est désormais une réalité incontournable pour les agences, mais elle ne doit pas être perçue comme une contrainte. Celles qui réussiront seront celles qui sauront démontrer que l’efficacité n’est qu’un des aspects de l’équation. Le véritable rôle des agences ne se limite pas à la réduction des coûts ou à l’automatisation, mais à la création de connexions émotionnelles et stratégiques que la seule technologie ne peut pas offrir.

Si les départements achats peuvent se tourner vers l’IA pour optimiser leurs dépenses, les marques qui garderont l’humain au coeur de leur stratégie bénéficieront d’un avantage compétitif essentiel. Dans ce contexte, les agences ont un rôle clé à jouer : non pas en opposant l’IA, mais en la maîtrisant pour en faire un vecteur de différenciation et de succès durable.

Les agences investissent massivement dans l’IA pour se positionner à la pointe des outils mis à disposition de leurs clients. Ces investissements, encore en phase de test & learn, représentent des coûts importants qui doivent être valorisés. Si l’IA offre indéniablement des gains de productivité, son véritable potentiel réside dans sa capacité à être intégrée de manière intelligente, au service d’une vision créative et stratégique plus large.